Sur l’écran radar : Que réserve l’avenir immédiat aux taux à un jour aux États-Unis et au Canada?

  • Financière First National SEC

Trois points à retenir

  1. La prudence était de mise dans les commentaires suivant l’annonce de la décision. En effet, Tiff Macklem a estimé que le taux au Canada était essentiellement au niveau approprié dans un contexte de pressions commerciales structurelles, alors que Jerome Powell a déclaré qu’une autre baisse de taux du côté américain en décembre était loin d’être certaine, vu que le comité était divisé et que les données économiques étaient limitées.
  2. Les deux banques centrales ont mis l’accent sur l’inflation et l’emploi dans leurs remarques. Pourtant, elles n’ont fait aucune mention des licenciements liés à l’IA, alors que de grandes sociétés comme Amazon, UPS, Microsoft et Accenture ont éliminé des dizaines de milliers d’emplois de cols blancs en raison de l’automatisation.
  3. Les marchés de contrats à terme restent plus optimistes que les décisionnaires, les opérateurs estimant la probabilité d’une nouvelle baisse, en décembre, à 68 % aux États-Unis et à 22 % au Canada.

Depuis le sommet de 5,00 % atteint en juillet 2023, la Banque du Canada a abaissé le taux d’intérêt à un jour à neuf reprises, pour un total de 275 points de base, l’établissant à 2,25 % mercredi dernier. Aux États-Unis, après le sommet d’une fourchette comprise entre 5,25 % et 5,50 % atteint en 2023, la Réserve fédérale a abaissé ses taux à cinq reprises, pour un total de 150 points de base, et a déplacé la fourchette cible à celle comprise entre 3,75 % et 4,00 % mercredi passé.

Les rendements des obligations d’État à 5 ans et à 10 ans ont augmenté dans la foulée des décisions prises par les banques centrales des deux pays. Aux États-Unis, le taux à 10 ans a augmenté de 10 points de base et, au Canada, le taux à 10 ans a également progressé, ce qui démontre qu’une baisse de la politique monétaire n’entraîne pas automatiquement une baisse des rendements à long terme.

Allant de l’avant, que pouvons-nous dire à propos de futures baisses de taux dans les deux pays, étant donné leur influence sur le marché canadien des taux hypothécaires?

Indices tirés des discours

Au Canada, le gouverneur Tiff Macklem a déclaré que l’actuel taux directeur est à peu près suffisant pour maintenir l’inflation à un niveau près de la cible tout en aidant l’économie à s’adapter à de profondes perturbations commerciales. Il a qualifié le ralentissement de structurel plutôt que de cyclique et a expliqué que ce ralentissement était attribuable aux droits de douane américains qui ont remodelé la base d’exportation du Canada et réduit la productivité au pays. M. Macklem a fait remarquer que de nouvelles baisses de taux ne permettraient guère de remédier à ces chocs sectoriels, soulignant que des mesures budgétaires devront désormais assumer une plus grande part de la charge. Son ton laissait entendre que la banque centrale ne se concentrait plus sur la stimulation de la croissance, mais que sa priorité était désormais de gérer une transition économique difficile.

Aux États-Unis, le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, a repoussé les attentes du marché quant à une nouvelle baisse des taux en décembre, affirmant qu’une telle perspective était « loin d’être certaine ». Il a ajouté que le comité responsable de la politique monétaire était divisé et que les données étaient limitées pendant la paralysie du gouvernement, rendant ainsi plus difficile d’évaluer la direction que prend l’économie. M. Powell a fait valoir que le récent assouplissement visait à prévenir une aggravation du ralentissement des embauches et non à lancer une nouvelle série de mesures de relance. Ses remarques témoignent d’une position prudente, alors que la Fed évalue le ralentissement de la croissance de l’emploi par rapport aux risques d’inflation liés aux droits de douane et aux dépenses de consommation soutenues.

Les défis uniques de prédire les taux du côté américain

Il est difficile de prévoir l’évolution de la situation aux États-Unis, car la Réserve fédérale est divisée, avec un vote de 10 voix contre 2, dont une voix dissidente favorable au statu quo et une autre, à une baisse d’un demi-point. Le président de la Fed de Kansas City, Jeffrey Schmid, s’est opposé à toute mesure, tandis que le gouverneur Stephen Miran a plaidé en faveur d’une baisse de 50 points de base, ce qui laisse voir des divergences marquées quant au rythme d’assouplissement à préconiser.

Le président Powell a également mentionné le manque de données attribuable à la paralysie du gouvernement [fédéral], ce qui limite la publication de nouveaux rapports sur l’emploi et les prix. Disposant de moins d’indicateurs, les décisionnaires ne peuvent pas tester leurs hypothèses, de sorte que les fourchettes d’incertitude autour des perspectives s’élargissent. Les marchés ont interprété la conférence de presse comme une mise en garde contre la probabilité d’une nouvelle baisse, et les rendements à court terme ont bondi le jour même.

Tout cela rend les prévisions à court terme moins fiables, car les décisionnaires doivent mettre en balance le ralentissement des embauches et l’inflation persistante sans disposer des données auxquelles ils ont normalement accès. Parmi les données qui manquent, mentionnons des données clés, telles que le nombre d’emplois non agricoles, l’inflation des prix à la consommation, les ventes au détail et la production industrielle. Par conséquent, la Fed doit s’appuyer sur des enquêtes partielles du secteur privé plutôt que sur des rapports gouvernementaux exhaustifs.

Le défi inhabituel des licenciements liés à l’IA, pourquoi n’en parle-t-on pas?

Les deux banques centrales se concentrent sur deux points d’ancrage à la fois : l’inflation et le marché de l’emploi. Leurs déclarations ont porté principalement sur la stabilité des prix et les tendances en matière d’emploi, sans la moindre référence formelle aux licenciements liés à l’IA. Cette évolution est remarquable compte tenu de la multiplication des rapports sur les réductions d’effectifs parmi les cols blancs qui sont liées à l’automatisation et aux logiciels – susceptibles de ralentir la croissance des salaires et de freiner la demande. Cette omission donne l’impression que le discours sur l’emploi est incomplet, alors même que les décisionnaires cherchent à concilier la maîtrise de l’inflation et la nécessité d’éviter de perdre inutilement des emplois.

Aux États-Unis, le débat politique se déroule dans un contexte d’importantes réductions d’effectifs que de nombreuses firmes associent en partie à l’adoption de l’IA et à des mesures d’efficacité. Parmi les plus récentes nouvelles à avoir fait la manchette, citons Amazon, qui prévoit éliminer quelque 14 000 emplois, UPS, qui élimine quelque 48 000 postes d’exploitation et de gestion cette année, et Target, qui supprime 1 000 postes administratifs – sans mentionner de vastes réductions d’effectifs par Nestlé, Accenture, Microsoft, Meta et Salesforce. Ces suppressions sont concentrées dans les segments des postes de bureau et de soutien, tandis que la demande reste ferme pour les métiers et les fonctions de première ligne. C’est ce qui risque d’atténuer les pressions sur les salaires dans les segments les mieux rémunérés. Si ces effets persistent, ils vont dans le même sens que des baisses des taux.

Le Canada affiche des réductions d’effectifs moins élevés et plus sectoriels, mais le signal reste le même. La liste comprend 8 347 employés de la Compagnie de la Baie d’Hudson dans la foulée de fermetures de magasins, quelque 1 700 employés d’Amazon au Québec dans la foulée de fermetures d’entrepôts, environ 2 000 employés de la Banque TD et 1 200 employés de Bell Canada à la suite de départs volontaires dans le cadre du démantèlement de réseaux d’ancienne génération. L’échelle est plus petite qu’aux États-Unis, ce qui laisse voir une situation moins grave jusqu’à présent, mais la tendance penche toujours vers des fonctions de direction et d’administration qui sont à risque d’être automatisées. Ces pressions auraient tendance à ralentir la croissance des salaires à la marge, soutenant la trajectoire des taux si l’inflation au sens large continuait à ralentir, et ce, même si la Banque du Canada n’a fait aucune mention directe des licenciements liés à l’IA.

Les marchés de contrats à terme sont-ils plus favorables à une baisse des taux que ne le suggèrent les dirigeants des banques centrales?

Les marchés de contrats à terme semblent plus confiants quant à la possibilité d’un assouplissement accru que ne le laisse entendre le ton des décisionnaires. L’outil FedWatch du CME Group montre que les opérateurs attribuent une probabilité de 68 % à l’annonce d’une nouvelle baisse des taux aux États-Unis lors de la réunion du 10 décembre prochain, malgré l’avertissement clair du président Jerome Powell selon lequel de nouvelles baisses sont « loin d’être certaines ». Cette déconnexion pourrait refléter les attentes du marché selon lesquelles la vague de pertes d’emplois de cols blancs, dont beaucoup sont liées à l’adoption de l’IA et à l’automatisation, pèsera plus lourdement sur l’emploi et les dépenses que ne l’a reconnu la Fed dans ses déclarations publiques. Il est possible que les investisseurs soient en train d’intégrer le risque que la faiblesse du marché de l’emploi – plutôt que l’inflation – devienne la principale préoccupation d’ici la fin de l’année.

Au Canada, les contrats à terme sont associés à une probabilité de 78 % que la Banque du Canada maintienne sa position lors de sa propre décision plus tôt le même jour; c’est donc que 22 % des opérateurs parient toujours sur une nouvelle baisse. Cette opinion minoritaire est plus incertaine que le message du gouverneur Tiff Macklem, selon lequel le taux [directeur] est maintenant « essentiellement au niveau approprié ». Il est possible que les marchés prennent en compte la possibilité que les restructurations liées à l’IA et le ralentissement des embauches par les entreprises se propagent au nord de la frontière, atténuant les pressions sur les salaires et la croissance plus que ne le prévoit la banque dans sa déclaration.